Maria Chapdelaine (Louis Hémon - 1913)

Je me souviens avoir prêter un jour cet ouvrage. Il m’a été rendu une semaine plus tard par un lecteur qui, avec un brin de mépris, m’avait dit ceci : « Bah, j’ai à peine lu trente pages ; il ne se passe rien… » Je n’ai pas compris tout de suite, mais en y réfléchissant un certain temps, j’ai peut-être saisi ce qu’il voulait vraiment exprimer : « dans ce livre, il n’y a aucune action et je me suis terriblement ennuyé. » C’est assez vrai, il n’y a pas d’action comme on peut en retrouver à foison dans les publications contemporaines : pas de coup de théâtre à chaque coin de page, pas de mort violente qui vienne ponctuer la fin d’un paragraphe, rien de tout cela.

En fait, les personnages que nous croisons dans cet ouvrage vivent, tout simplement. Bien sûr, la mort tient une place importante dans le texte, mais simplement parce qu’elle fait partie de la vie sur terre. Dans Maria Chapdelaine, les morts ne s’entassent pas pour, si j’ose dire, le plaisir du lecteur. D’ailleurs, de vous à moi, quel plaisir peut-on trouver à lire des romans où les morts nous sont ainsi servis sur un plateau, celui-là la tête décapitée, et cet autre cuit à l’étouffé ?

Il m’arrive ainsi de penser que nous vivons une époque bien étrange, et malgré le froid et la rudesse de l’existence des protagonistes de Maria Chapdelaine, j’en arriverais presque à envier leur difficile quotidien.


Articles publiés dans cette rubrique

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre I (Maria Chapdelaine)

« Ite missa est. » La porte de l’église de Péribonka s’ouvrit et les hommes commencèrent à sortir. Un instant plus tôt elle avait paru désolée, cette église, juchée au bord du chemin sur la berge haute, au-dessus de la rivière Péribonka, dont la nappe glacée et couverte de neige était toute (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre II (Maria Chapdelaine)

L’heure du souper était venue que Maria n’avait pas encore fini de répondre aux questions, de raconter, sans en omettre aucun, les incidents de son voyage, de donner les nouvelles de Saint-Prime et de Péribonka, et toutes les autres nouvelles qu’elle avait pu recueillir au cours du chemin. (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre III (Maria Chapdelaine)

Trois jours plus tard Maria entendit en ouvrant la porte au matin un son qui la figea quelques instants sur place, immobile, prêtant l’oreille. C’était un mugissement lointain et continu, le tonnerre des grandes chutes qui étaient restées glacées et muettes tout l’hiver. — La glace descend, (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre IV (Maria Chapdelaine)

Avec juin le vrai printemps vint brusquement après quelques jours froids. Le soleil brutal chauffa la terre et les bois, les dernières plaques de neige s’évanouirent, même à l’ombre des arbres serrés ; la rivière Péribonka grimpa peu à peu le long de se hautes berges rocheuses et vint noyer les (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre V (Maria Chapdelaine)

Le beau temps continua et dès les premiers jours de juillet les bleuets mûrirent. Dans les brûlés, au flanc des coteaux pierreux, partout où les arbres plus rares laissaient passer le soleil, le Sol avait été jusque-là presque uniformément rose, du rose vif des fleurs qui couvraient les touffes (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre VI (Maria Chapdelaine)

En juillet les foins avaient commencé à mûrir, et quand le milieu d’août vint, il ne restait plus qu’à attendre une période de sécheresse pour les couper et les mettre en grange. Mais après plusieurs semaines de beau temps continu, les sautes de vent fréquentes, qui sont de règle dans la plus (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre VII (Maria Chapdelaine)

Septembre arriva, et la sécheresse bienvenue du temps des foins persista et devint une catastrophe. À en croire les Chapdelaine il n’y avait jamais eu de sécheresse comme celle-là, et chaque jour quelque raison nouvelle était suggérée, qui expliquait la sévérité divine. L’avoine et le blé (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre VIII (Maria Chapdelaine)

Un matin d’octobre, Maria vit en se levant la première neige descendre du ciel en innombrables flocons paresseux. Le sol était blanc, les arbres poudrés, et il semblait bien que l’automne fût déjà fini, au temps où il ne fait que commencer ailleurs. Mais Edwige Légaré prononça d’un air (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre IX (Maria Chapdelaine)

Depuis la venue de l’hiver, l’on avait souvent parlé des fêtes chez les Chapdelaine, et voici que les fêtes approchaient. — Je suis à me demander si nous aurons de la visite pour le Jour de l’An, fit un soir la mère Chapdelaine. Elle passa en revue tous les parents ou amis susceptibles de venir. (…)

lundi 23 septembre 2024
par  Paul Jeanzé

Chapitre X (Maria Chapdelaine)

Le jour de l’An n’amena aucun visiteur. Vers le soir, la mère Chapdelaine, un peu déçue, cacha sa mélancolie sous la guise d’une gaieté exagérée. — Quand même il ne viendrait personne, dit-elle, ce n’est pas une raison pour nous laisser pâtir. Nous allons faire de la tire. Les enfants poussèrent (…)

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Une année dans tous les sens

Mercredi 15 janvier 2025

Une nouvelle année commence, et fidèle à mes habitudes depuis dix ans maintenant, se termine une année de poézies, entre bon sens et contresens. C’est également la fin du triptyque en "sens". Pour les trois années à venir, j’espère aller au fond des choses, tout en évitant l’overdose et les pensées moroses.

Bien à vous,
Paul Jeanzé