Les Dieux ont soif (1912)
« Ne me dis pas que la Révolution établira l’égalité, parce que les hommes ne seront jamais égaux ; ce n’est pas possible, et l’on a beau mettre le pays sens dessus dessous : il y aura toujours des grands et petits, des gras et des maigres. »
Cette réflexion choc prononcée par un des nombreux protagonistes du roman pourrait amener le lecteur à considérer « Les Dieux ont soif » comme un implacable réquisitoire de la période de la Terreur. Cela serait bien réducteur. Nous sommes avant tout en présence d’un texte remarquable où le romanesque, à l’aide d’un style et d’une mise en scène parfaitement maîtrisée est mis au service de la petite comme de la grande Histoire ; et bien entendu, du lecteur.
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XI
Le matin du 7 septembre, la citoyenne Rochemaure, se rendant chez le juré Gamelin, qu’elle voulait intéresser à quelque suspect de sa connaissance, rencontra sur le palier le ci-devant Brotteaux des Ilettes, qu’elle avait aimé dans les jours heureux. Brotteaux s’en allait porter douze douzaines (…)
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XII
Un soir que le vieux Brotteaux portait douze douzaines de pantins au citoyen Caillou, rue de la Loi, le marchand de jouets, doux et poli d’ordinaire, lui lit au milieu de ses poupées et de ses polichinelles, un accueil malgracieux. – Prenez garde, citoyen Brotteaux, lui dit-il, prenez garde ! Ce (…)
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XIII
Évariste Gamelin siégeait au Tribunal pour la deuxième fois. Avant l’ouverture de l’audience il s’entretenait avec ses collègues du jury, des nouvelles arrivées le matin. Il y en avait d’incertaines et de fausses ; mais ce qu’on pouvait retenir était terrible. Les armées coalisées, maîtresses de (…)
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XIV
Levé dès l’aube, le Père Longuemare, ayant balayé la chambre, s’en alla dire sa messe dans une chapelle de la rue d’Enfer, desservie par un prêtre insermenté. Il y avait à Paris des milliers de retraites semblables, où le clergé réfractaire réunissait clandestinement de petits troupeaux de (…)
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XV
Il fallait vider les prisons qui regorgeaient ; il fallait juger, juger sans repos ni trêve. Assis contre les murailles tapissées de faisceaux et de bonnets rouges, comme leurs pareils sur les fleurs de lis, les juges gardaient la gravité, la tranquillité terrible de leurs prédécesseurs royaux. (…)
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XVI
Après avoir, durant trois mois, sacrifié chaque jour à la patrie des victimes illustres ou obscures, Évariste eut un procès à lui ; d’un accusé il fit son accusé. Depuis qu’il siégeait au Tribunal, il épiait avidement, dans la foule des prévenus qui passaient sous ses yeux, le séducteur (…)
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XVII
Le 24 frimaire, à dix heures du matin, sous un ciel vif et rose, qui fondait les glaces de la nuit, les citoyens Guénot et Delourmel, délégués du Comité de sûreté générale, se rendirent aux Barnabites et se firent conduire au Comité de surveillance de la section, dans la salle capitulaire, où se (…)
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XVIII
La citoyenne Gamelin aimait le vieux Brotteaux, et le tenait pour l’homme tout ensemble le plus aimable et le plus considérable qu’elle eût jamais approché. Elle ne lui avait pas dit adieu quand on l’avait arrêté, parce qu’elle eût craint de braver les autorités et que dans son humble condition (…)
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XIX
Pendant que le Père Longuemare et la fille Athénaïs étaient interrogés à la section, Brotteaux fut conduit entre deux gendarmes au Luxembourg, où le portier refusa de le recevoir, alléguant qu’il n’avait plus de place. Le vieux traitant fut mené ensuite à la Conciergerie et introduit au greffe, (…)
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XX
Évariste Gamelin, pendant une longue audience du Tribunal, à son banc, dans l’air chaud, ferme les yeux et pense : « Les méchants, en forçant Marat à se cacher dans les trous, en avaient fait un oiseau de nuit, l’oiseau de Minerve, dont l’œil perçait les conspirateurs dans les ténèbres où ils se (…)