Qu’est-ce que la méditation ?

La méditation juive
lundi 17 mars 2025
par  Paul Jeanzé

Qu’est-ce que la méditation ? Pour quelqu’un qui a été impliqué dans la pratique de méditation, la question n’a pas besoin d’être posée. Pour une personne qui n’a jamais eu de contact avec la méditation en revanche, le sujet est entouré d’une aura de mystère. Pour la plupart des gens, le terme « méditation » évoque l’image d’une personne assise dans la position du lotus, les yeux fermés dans une concentration sereine. D’autres associent la méditation à la sainteté et à la spiritualité. Ainsi, les personnes en quête de spiritualité peuvent s’intéresser à diverses disciplines de méditation sans avoir la moindre idée de ce qu’elles recherchent.

Dans son sens le plus général, la méditation consiste à penser d’une manière contrôlée. Il s’agit de décider exactement de la manière dont on souhaite diriger l’esprit pendant un certain temps, puis de le faire.

En théorie, cela peut sembler très facile, mais en pratique, c’est loin d’être le cas. L’esprit humain n’est pas un animal domestiqué, mais ressemble plutôt à un esprit autonome qui échappe (souvent) à la propre volonté du penseur. Toute personne qui a déjà essayé de se concentrer sur un sujet, pour voir son esprit dériver vers d’autres pensées, en est parfaitement consciente. Parfois, il semble même que plus on essaie de maîtriser ses pensées, plus elles refusent d’être contrôlées.

Il est remarquable que la plupart des gens ne prêtent pas vraiment attention à leurs pensées. Les pensées font tellement partie de notre être que nous les considérons comme allant de soi. L’une des premières étapes de la méditation est d’apprendre à ne pas considérer nos pensées comme allant de soi.

Un exercice simple va démontrer combien il est difficile de contrôler ses pensées. En théorie, cet exercice semble pourtant ridiculement facile ; mais en pratique, il est d’une difficulté déconcertante.

Voici l’exercice : Arrêtez de penser.

Normalement, lorsque l’on n’est pas occupé à autre chose, un flux constant de pensées traverse l’esprit. Dans cette forme rêverie, une pensée en entraîne une autre, presque automatiquement. Ce flux de pensées continue encore et toujours, comme une conversation avec soi-même. En général, cette rêverie fait tellement partie de notre environnement mental que nous n’y prêtons pas attention.

Le premier exercice consiste à prendre conscience de ses pensées en essayant de les arrêter. Essayez de faire le vide dans votre esprit pendant quelques minutes et de ne penser à rien. Cela vous semble facile ? Arrêtez-vous de lire un instant et essayez.

Vous êtes d’accord, n’est-ce pas ? Combien de temps cela a-t-il duré ? À moins que vous ne soyez très doué naturellement, ou que vous ayez déjà une certaine expérience méditative, il vous aura été impossible de garder votre esprit vide pendant plus de quelques secondes. La période de silence mental a probablement été interrompue par la pensée : « Je ne pense pas » ou « J’essaie de ne pas penser ». Dans la pratique, il est extrêmement difficile d’arrêter de penser. Comme nous le verrons, le contrôle du processus de pensée est l’un des objectifs de certaines disciplines méditatives.

Il existe une autre façon d’essayer de contrôler son esprit. Lorsque vous aurez terminé ce paragraphe, fermez les yeux. Vous verrez probablement des lumières ou des images défiler devant vos yeux. Accordez-vous quelques instants pour vous détendre, et ces lumières clignotantes s’atténueront avant de se transformer en une série d’images kaléidoscopiques dans l’œil de l’esprit [1]. Ces images apparaissent et changent spontanément sans que l’esprit conscient ne les dirige ou presque. Une image se fond dans une autre, tandis qu’une autre encore, grandit et se développe. Il est presque impossible de se concentrer sur ces images nées de l’esprit, car lorsque vous essayez, elles disparaissent.

Maintenant, les yeux fermés, essayez de contrôler ces images. Essayez de vous représenter la lettre A dans l’œil de votre esprit. A moins d’avoir pratiqué cette technique depuis un certain temps, il est impossible de s’accrocher à cette image.

L’une des techniques de méditation est « l’imagerie », et qui consiste à évoquer une image dans l’œil de l’esprit et la maintenir à cet endroit. Dans la méditation juive, cette technique est connue sous le nom de « gravure ». L’image est fixée dans l’esprit comme si elle était gravée, de sorte qu’elle peut être maintenue dans l’esprit aussi longtemps que l’on veut. Cette technique ne peut être perfectionnée qu’à l’aide d’un entraînement intensif.

Après avoir essayé ces deux exercices, vous pouvez constater que l’esprit lui-même a bien... un « esprit propre ». Il existe donc deux parties dans l’esprit, l’une qui est sous le contrôle de la volonté consciente, et l’autre qui ne l’est pas. La partie de l’esprit qui est sous le contrôle de la volonté est appelée la conscience, tandis que celle qui ne l’est pas est appelée inconscient ou subconscient. Comme le subconscient n’est pas sous le contrôle de la volonté, on ne peut pas maîtriser ce qu’il transmet à l’esprit conscient.

L’un des objectifs de la méditation est donc d’acquérir la maîtrise de la partie subconsciente de l’esprit. En y parvenant, on obtiendra également un haut degré de maîtrise de soi. C’est également l’un des objectifs de la méditation.

Ceci explique pourquoi tant de disciplines utilisent les exercices de respiration comme moyen de méditation. En effet, la respiration se produit généralement de manière automatique et est donc normalement sous le contrôle de l’esprit inconscient. À moins que vous ne contrôliez consciemment votre respiration, celle-ci reflétera votre humeur inconsciente. C’est l’une des raisons pour lesquelles la respiration est l’un des indicateurs lors d’un test au détecteur de mensonges.

Pourtant, si vous le souhaitez, vous pouvez contrôler votre respiration, et le faire assez facilement. La respiration constitue donc un lien entre l’esprit conscient et l’inconscient. En apprenant à se concentrer et à contrôler sa respiration, on peut logiquement apprendre à contrôler l’inconscient. Le processus de pensée lui-même est également contrôlé dans une large mesure par l’inconscient, mais il peut également être dompté par l’esprit conscient.

Cela est particulièrement évident dans le cas de la rêverie. Lorsque l’on se détend et que l’on n’y prête pas particulièrement attention, la rêverie passe d’une pensée à l’autre sans effort conscient. Ainsi, il existe un certain nombre de techniques psychologiques qui tentent d’imiter cette « libre association », afin d’acquérir une compréhension de l’inconscient. Cependant, quelle que soit la liberté de l’association lorsqu’on l’exprime à une personne tierce, elle n’est jamais aussi libre que dans le cas de la rêverie pure. La rêverie peut donc également être considérée comme un point d’interface entre le conscient et l’inconscient. En apprenant à contrôler la rêverie, on peut aussi apprendre à dominer l’inconscient.

Il en va de même pour les visions qui apparaissent dans l’œil de l’esprit. Comme elles ne sont pas sous le contrôle de l’esprit conscient, elles proviennent manifestement de l’inconscient. Les contrôler est très difficile sans pratique ; on peut cependant apprendre à les maîtriser, ce qui permet de surcroit de former un pont entre l’esprit conscient et l’inconscient.

L’un des avantages les plus puissants de la méditation est le contrôle de l’inconscient. On apprend ainsi à utiliser l’esprit conscient pour contrôler les processus mentaux qui sont habituellement sous le contrôle de l’inconscient. Progressivement, une part de plus en plus importante de l’inconscient devient accessible à l’esprit conscient, et l’on acquiert alors le contrôle de l’ensemble du processus de pensée.

Parfois, différentes parties de l’esprit semblent agir indépendamment l’une de l’autre. Ce conflit peut être si intense que la personne touchée a alors l’impression de former deux individus distincts. Lors d’un tel conflit intérieur, il semble qu’une partie de l’esprit veuille faire une chose, tandis que l’autre veut faire quelque chose de radicalement différent.

Prenons l’exemple d’une personne qui se retrouve attirée par une tentation sexuelle. Une partie de l’esprit dit alors oui avec insistance. Pourtant, dans le même temps, une autre partie de l’esprit peut estimer que l’acte
est moralement répréhensible, et donc dire non avec la même force. L’individu se retrouve alors tiraillé entre deux pensées contradictoires.

Selon l’analyse freudienne classique, cette situation serait considérée comme un conflit entre le ça et le surmoi. Dans notre exemple, le ça dirait oui à la tentation, tandis que le surmoi dirait non. D’une certaine manière, l’ego (le je) sert alors de médiateur entre ces deux voix subconscientes qui s’opposent. Bien que le schéma de Freud permette de tout regrouper en deux catégories (ça et surmoi), l’introspection montre que le conflit est en réalité souvent plus complexe que ce simple tableau du ça et du surmoi. Parfois, ce ne sont pas deux, mais trois, quatre ou encore plus de voix qui semblent émettre des signaux différents dans l’esprit. Si cette personne avait la capacité de contrôler son subconscient, elle pourrait éviter une grande partie de ce conflit à plusieurs voix.

Il existe de nombreuses théories relatives au subconscient, et une étude complète sur le sujet dépasserait largement le cadre de ce livre. Cependant, si la méditation est synonyme de pensée maîtrisée, cela implique que l’individu contrôle l’ensemble du processus de pensée, y compris les données provenant du subconscient. Le méditant expérimenté apprend à penser ce qu’il veut penser, quand il veut le penser. Il peut toujours contrôler la situation et résister aux pressions psychologiques qui agissent sur le subconscient. Il est également maître de lui-même, ne faisant jamais quelque chose qu’il sait ne pas vouloir faire. Pour de nombreuses écoles, cette maîtrise de soi est l’un des objectifs les plus importants de la méditation.


[1Capacité de se représenter directement une image mentale, transmise par les mots, comme si elle l’était par la perception, sans médiation rationnelle.


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