Une pratique qui donne la sagesse
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"Vous garderez les paroles de cette alliance, vous les mettrez en pratique afin de comprendre ce que vous faites."
Avant d’expliquer le sens de ce verset, situons-nous dans le temps. Quand Moshé prononce ces mots, il sait qu’il va bientôt quitter ce monde. Il fait alors ces dernières recommandations à son peuple, leur donnant une valeur dépassant l’instant présent : c’est pour l’Histoire qu’il parle, pour toutes les générations d’Israël. Pour comprendre cela nous devons diviser ce verset en trois parties. ""Vous garderez les paroles de cette alliance - vous les ferez (vous les mettrez en pratique) - afin de comprendre ce que vous faites."
Convaincre par l’acte
Moshé nous donne ici les clefs de la survie spirituelle du peuple juif. La première partie du verset est un ordre tout en étant aussi une question. Comment garder les paroles de cette alliance (la Thora) ? Comment les ancrer en nous pour qu’elles puissent surmonter les vicissitudes de l’Histoire ?
La réponse à ces questions nous est donnée dans la suite du verset ou plutôt dans son agencement. Nos Maîtres remarquent en effet que la mise en pratique précède la compréhension de cette pratique : "...vous les mettrez en pratique afin de comprendre...". Avant d’agir, un homme cherche toujours à comprendre le sens et le pourquoi de ce qu’il fait. C’est généralement l’idée qui déterminera la valeur de l’acte accompli. Pour la philosophie juive il en va tout autrement. Ce n’est pas l’idée et la réflexion qui me feront prendre conscience de l’importance d’une mitzva (l’acte) mais la mitzva elle-même. L’étude me poussera certes à agir mais c’est par la pratique de la mitzva que je toucherai à l’essence du judaïsme. Prenons l’exemple de Chabbath. Si je veux convaincre un Juif de l’importance du respect de ce jour, il est possible que les plus beaux et les plus forts arguments n’auront sur lui qu’un effet passager et purement abstrait : la conviction restera au niveau de la tête. Mais si ce Juif est amené à respecter une ou deux fois le chabbath comme il se doit, il est probable que cette pratique du chabbath aura plus d’effet que de nombreux discours. C’est donc le verset lui-même qui nous fournit la réponse à sa propre question : "Vous garderez les paroles de cette alliance… (comment ?) : vous les mettrez en pratique et c’est ce qui vous permettra de comprendre ce que vous ferez". La pratique vous révèlera le sens de vos actes !
Changer sa personnalité
Mais le Talmud ne s’arrête pas là. Pour nos Maîtres la pratique d’une mitzva et dans ce cas, celle de l’enseignement de la Thora, peut révéler chez l’homme plus que la compréhension de ses actes. Le Talmud rapporte les propos de Rabbi Eleazar : "Celui qui enseigne la Thora au fils de son prochain, on lui en tient compte comme s’il avait "fait" les paroles de la Thora, ainsi qu’il est dit : "Vous garderez les paroles de cette alliance et vous les ferez ou (en traduisant littéralement l’hébreu) vous "ferez" elles. Première voie que nous ouvre Rabbi Eleazar : en enseignant la Thora à ses élèves, le maître fait plus que transmettre un message : il s’y investit tellement que l’on considère qu’il a véritablement créé lui-même les paroles de la Thora. Mais un autre maître, Rabba va plus loin. Le mot "les" de "vous les ferez" est rendu en hébreu par le mot "otam" qui peut aussi être lu "atem" qui signifie "vous". Et Rabba de nous proposer une lecture extraordinaire : "Vous ferez elle" devient "Vous ferez vous" ou "vous vous ferez vous-mêmes" ! La mitzva d’enseigner la Thora donnera à l’homme les moyens de renouveler sa personnalité au point peut-être s’il le désire de devenir un homme nouveau. Et c’est dans ce sens que l’on peut comprendre la sentence de Rabbi Hanina qui disait : "J’ai beaucoup appris de mes maîtres, plus encore de mes compagnons d’étude, mais par dessus tout de mes élèves."
Gérard Touaty (Actualité juive hebdo)