Le mariage

Par Gérard Touaty
mardi 2 novembre 2021
par  Paul Jeanzé
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"Il prit Rivka (Rebecca) pour femme et il l’aima...". Il y a deux images du couple dans le judaïsme. Celle qui relève du mythe, idéale, grandiose et celle de la réalité, plus trouble, équivoque et trop souvent bien distante du modèle d’origine. La première est le lot de quelques privilégiés qui ont su harmoniser les exigences de la vie à deux avec la pratique du judaïsme. La seconde est le reflet d’une incapacité psychologique à comprendre les besoins de l’autre. On s’enferme dans une vision personnelle du monde et l’autre n’existe plus. On aura vite compris dès lors que l’échec d’une vie à deux n’a généralement qu’une seule cause : l’orgueil.

Pourquoi doit-on se marier ? On trouvera un élément de réponse dans le premier chapitre de la Thora. À propos du projet de la création de l’homme un verset déclare : "Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance...". Un projet prend corps. L’homme devra ressembler à Hachem. Mais de quelle ressemblance s’agit-il ? Hachem est Unité, conciliation harmonieuse des contraires où le principe de la différence (celle génératrice de conflits) n’existe pas. C’est vers ce "modèle" que l’homme doit tendre. Ressembler à Hachem signifie rechercher la paix et l’unité avec son prochain. Pour y parvenir, l’homme possède un merveilleux laboratoire d’expérimentation : le mariage. Le mariage est le lieu affectif et intellectuel qui permettra à l’homme "d’apprendre à faire "Un" avec l’autre. C’est pourquoi on trouvera, deux versets plus loin, la mention de l’obligation pour un homme de procréer, mitzva qui ne peut être vécue que dans le cadre du mariage. Sur le terrain, toutefois, les données se compliquent car chacun souhaite construire sa propre unité. Il manque alors "une pratique claire du chalom" pour réussir.

Construire la paix

Dans son commentaire des Pirke Avoth, le Maharal de Prague rapproche l’étymologie du mot "Chalom" de celle du mot "hachlama" qui signifie "achèvement". La paix est, dans un premier temps, la conscience de la différence de chacun. Puis, dans un deuxième temps, la volonté réciproque d’apporter quelque chose à l’autre, d’achever sa perfection par notre apport. Au sein du couple, la même dynamique doit exister. Pour ce qui est de la première étape, chaque conjoint doit comprendre que son partenaire est différent de lui. Une femme ne pense pas et ne réagit pas comme un homme. Sa sensibilité et son intelligence sont radicalement différentes de celles d’un homme. Les premières difficultés de la vie de couple commencent quand ces nuances n’ont pas été comprises, quand l’un des conjoints impose à l’autre sa façon de penser et de vivre en oubliant allègrement qu’il n’est pas tout seul. Dès lors, le mariage n’est plus qu’un rapport de force qui finira par un divorce ou par l’étouffement du conjoint qui cesse le combat par lassitude.

Il nous paraît fondamental de préciser ici que la pratique du judaïsme n’est pas nécessairement déterminante pour éviter ou réparer cette erreur. Un couple juif pourra vivre en conformité avec la pratique des mitzvoth, sans que cela n’apporte nécessairement de solutions pour réduire les difficultés relationnelles. La réussite affective et spirituelle d’un couple juif n’est pas déterminée par la pratique des mitzvoth mais par la façon de pratiquer les mitzvoth. Il y a des Juifs qui mettent les tephilines et qui consomment la cacherouth la plus rigoureuse mais qui seront grossiers ou violents dans leurs propos avec leur conjoint. D’autres Juifs, en revanche, auront compris que les mitzoth ne sont qu’un moyen d’améliorer notre personnalité. Des qualités comme la patience, l’humilité, l’ouverture d’esprit ou la douceur ont plus d’effets pour la santé d’un couple que des pages entières de Talmud complètement dépouillées de leur portée humaine.

Une dignité à révéler

Cette conscience de la différence de l’autre, c’est la reconnaissance de sa dignité, mais plus encore, c’est le moteur relationnel du couple. Si je reconnais chez mon conjoint sa différence, je le valorise et stimule chez lui sa volonté d’avoir une part active au sein du couple. C’est là l’idée "d’achèvement" mentionnée plus haut. sans vouloir exercer "d’hégémonie spirituelle", chaque conjoint apportera à l’autre, échangera avec lui des valeurs qu’il n’aurait pu découvrir par lui-même. La plénitude du chalom aura été atteinte. L’unité alors sera atteinte. Il est bien évident que cette dimension psychologique n’est pas définitivement acquise. La ressemblance avec le Créateur doit se poursuivre tout au long de la vie du couple. Elle sera le fruit d’efforts constants pour s’améliorer dans la convergence de la Thora. C’est ce que le judaïsme appelle "l’amour" : l’union de deux êtres comme aboutissement d’une volonté commune de grandir moralement et spirituellement et non l’union née d’un impulsion affective. [...] L’amour se construit. Il ne s’improvise pas.


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