La porte-fenêtre, l’ouverture sur moi-même ?

mardi 1er avril 2014
par  Paul Jeanzé
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Je me réveillais en sursaut. Il me fallut quelques instants pour me rendre compte que je m’étais endormi au milieu de mes maigres manuscrits. Je ne pouvais m’empêcher d’esquisser un demi‑sourire, en repensant à cette dernière réunion où je m’étais manifestement prodigieusement ennuyé, tant il était navrant que le monde du travail tentât parfois avec candeur de nous faire retomber en enfance. Je relisais rapidement les deux derniers textes. Je les trouvais un peu légers et pas franchement à leur place. Mais étais‑je moi-même vraiment à ma place ? tant j’avais l’impression d’hésiter à m’engager, à me laisser aller dans les méandres de ma réflexion et alors à préférer la soutenable légèreté de l’être.

J’avais un peu froid. La porte-fenêtre était toujours ouverte. Je me levais pour la fermer. Délicatement. Elle se laissait faire docilement, habituée qu’elle était par ce rituel incessant qui ouvre et ferme le quotidien. On ouvre, on ferme. On ouvre et ferme. On ouvre et on ferme. Des fois, c’est ouvert. Et on ouvre quand même. Et on ferme. Et on ferme. On ferme et on ferme. Et on ferme et on ouvre. Et un jour, plus de porte, plus de fenêtre. Alors, on fait semblant d’ouvrir. Et on fait semblant de fermer. Il fait vraiment froid dehors, alors fermons la porte-fenêtre et attardons-nous sur ce jour qui commençait à prendre le pas sur la nuit, sur ce jour qui commençait à broyer du noir. Je parcourais méthodiquement la grande pièce du regard et, une à une, je ramassais et rassemblais les pages jusqu’alors éparpillées alentour. Je les posais dans cet ordre sur la table du salon, à proximité de cet ordinateur portable qui me servait de bibliothèque aux souvenirs. Ma main resta suspendue une seconde à proximité de l’interrupteur avant de retomber sur ma cuisse. J’hésitais à démarrer la mécanique informatique. Comment un tel objet au sang froid pouvait-il contenir autant de trésors ? Si les feuilles volantes ne contenaient que mon écriture manuscrite, combien de correspondances, combien de documents attachés au disque dur se cachaient derrière ces petits bouts d’octets disséminés par milliards dans un si petit réduit ? Si petit. Si fragile. Que restera-t-il d’ici quelques décennies de toutes ces données numériques ? Que restera-t-il de cette modernité où tout s’emballe ? Et de repenser à ces écrits qui ont traversé le temps, immuables…

Mon esprit commença alors à vagabonder, mes yeux à quitter l’écran, comme pour prendre la fuite. Je me demandais à quel moment j’allais vraiment me jeter dans la fosse aux lions, à quel moment j’allais vraiment accepter de prendre le risque de ne parler que de moi, sans l’aide des autres.


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Paul Jeanzé


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