Qui tuer ?

mercredi 17 mai 2023
par  Paul Jeanzé
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Raymond Devos - Qui Tuer ? (Olympia 1999)

Un jour, en pleine nuit… mon médecin me téléphone :
—  Je ne vous réveille pas ?
Comme je dormais, je lui dis :
—  Non.
Il me dit :
—  Je viens de recevoir du laboratoire le résultat de nos deux analyses. J’ai une bonne nouvelle à vous annoncer. En ce qui me concerne, tout est normal. Par contre, pour vous… c’est alarmant.
Je lui dis :
—  Quoi ?… Qu’est-ce que j’ai ?
Il me dit :
—  Vous avez un chromosome en plus…
Je lui dis :
—  C’est-à-dire ?
Il me dit :
—  Que vous avez une case en moins !
Je lui dis :
—  Ce qui signifie ?
Il me dit :
—  Que vous êtes un tueur-né ! Vous avez le virus du tueur…
Je lui dis :
—  … Le virus du tueur ?
Il me dit :
—  Je vous rassure tout de suite. Ce n’est pas dangereux pour vous, mais pour ceux qui vous entourent… ils doivent se sentir visés.
Je lui dis :
—  Pourtant, je n’ai jamais tué personne !
Il me dit :
—  Ne vous inquiétez pas… cela va venir ! Vous avez une arme ?
Je lui dis :
—  Oui ! Un fusil à air comprimé.
Il me dit :
—  Alors, pas plus de deux airs comprimés par jour !
Et il raccroche !
Toute la nuit… j’ai cru entendre le chromosome en plus qui tournait en rond dans ma case en moins.
Le lendemain, je me réveille avec une envie de tuer… irrésistible !
Il fallait que je tue quelqu’un. Tout de suite ! Mais qui ?
Qui tuer ?… Qui tuer ?
Attention ! Je ne me posais pas la question : « Qui tu es ? » dans le sens : « Qui es-tu, toi qui cherches qui tuer ? » ou : « Dis-moi qui tu es et je te dirai qui tuer. »
Non !… Qui j’étais, je le savais !
J’étais un tueur… et un tueur sans cible !
(Enfin… sans cible, pas dans le sens du mot sensible !)
Je n’avais personne à ma portée.
Ma femme était sortie…
Je dis :
—  Tant pis, je vais tuer le premier venu !
Je prends mon fusil sur l’épaule… et je sors. Et sur qui je tombe ?
Le hasard, tout de même !
Sur… le premier venu !
Il avait aussi un fusil sur l’épaule…
(Il avait un chromosome en plus, comme moi !)
Il me dit :
—  Salut, toi, le premier venu !…
Je lui dis :
—  Ah non ! Le premier venu, pour moi, c’est vous !
Il me dit :
—  Non ! Je t’ai vu venir avant toi et de plus loin que toi !
Il me dit :
—  Tu permets que je te tutoie ? Je te tutoie et toi, tu me dis tu !
Je me dis : « Si je dis tu à ce tueur, il va me tuer ! »
Je lui dis :
—  Si on s’épaulait mutuellement ? D’autant que nous sommes tous les deux en état de légitime défense !
Il me dit :
—  D’accord !
On se met en joue… Il me crie :
—  Stop !… Nous allions commettre tous deux une regrettable bavure… On ne peut considérer deux hommes qui ont le courage de s’entre-tuer comme des premiers venus ! Il faut en chercher un autre !
J’en suis tombé d’accord !
Là-dessus, j’entends claquer deux coups de feu et je vois courir un type avec un fusil sur l’épaule…
Je lui crie :
—  Alors, vous aussi, vous cherchez à tuer le premier venu ?
Il me dit :
—  Non, le troisième ! J’en ai déjà raté deux !
Et tout à coup, je sens le canon d’une arme s’enfoncer dans mon dos.
Je me retourne. C’était mon médecin… Qui me dit :
—  Je viens vous empêcher de commettre un meurtre à ma place…
Je lui dis :
—  Comment, à votre place ?
Il me dit :
—  Oui ! Le laboratoire a fait une erreur. Il a interverti nos deux analyses. Le chromosome en plus, le virus du tueur, c’est moi qui l’ai !
Je lui dis :
—  Docteur, vous n’allez pas supprimer froidement un de vos patients ?
Il me dit :
—  Si ! La patience a des limites. J’en ai assez de vous dire : « Ne vous laissez pas abattre ! »
Je lui dis :
—  Vous avez déjà tué quelqu’un, vous ?
Il me dit :
—  Sans ordonnance… jamais ! Mais je vais vous en faire une !


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Des "mauvaises nouvelles" qui donnent de la voix

Mardi 07 mai 2024

En ce début de semaine, Monsieur Éric Lebret mettait sa voix au service d’une de mes nouvelles, intitulée Un bon coup de balai. Ce "comédien-voix" avait déjà mis son talent au service de deux autres "mauvaises nouvelles" :

Au bout du chemin
Très chère amie

Cher Monsieur Lebret, si vous deviez passer par ici, sachez combien votre initiative m’a touché et m’encourage à reprendre le chemin de l’écriture, chemin le long duquel il m’aura été nécessaire de quelque peu "marquer le pas" ces trois dernières années, même si mes chères poézies auront continué à m’accompagner pendant cette période.

À bientôt
Paul Jeanzé