De la médisance à la délivrance

Par Zevoulon
dimanche 7 janvier 2024
par  Paul Jeanzé
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Dans un village Juif d’Europe centrale, vers la fin du XIXème siècle, des pluies abondantes ont entraîné une crue de la rivière. L’eau monte. Les habitants commencent à fuir en barque. L’une des barques fait un détour jusqu’à la maison de Moïse. On lui crie : - Moïse, viens ! Tu habites près de l’eau, tu vas te noyer !
Mais Moïse répond : - Vous êtes tous des mécréants, alors que moi je suis pieux. Allez vous en ! Sauvez-vous en barque ! C’est votre seul espoir. Mais moi je prie : le Saint-béni soit-il me sauvera ! Le lendemain l’eau est encore montée. Moïse est monté au premier étage ; une barque fait à nouveau le détour.
Même réponse : - Allez-vous en, mécréants ! Je prie, le Saint-Béni soit-il me sauvera ! Le lendemain, Moïse est maintenant monté au deuxième étage ; on lui crie : - Moïse, saute ! C’est la dernière barque !
Même réponse : - Je prie, le Saint-Béni Soit-il me sauvera ! Moïse prie, mais bientôt il prie sur le faîte du toit. Et bientôt il ne prie plus du tout. Moïse est mort, il s’est noyé…
Alors, arrivant devant son Créateur, Moïse s’insurge : Hachem, tu n’est pas juste !
- Je ne suis pas juste ? Comment peux-tu dire cela, Moïse ?
- Seigneur, tu as sauvé tous les mécréants et transgresseurs de ta Loi. Et pour moi, tu n’as rien fait !
- Comment Moïse. Je n’ai rien fait pour toi ? Comment peux-tu dire cela ? Trois fois je t’ai envoyé des barques !

Cette petite histoire nous enseigne que même dans nos moments les plus difficiles, Hachem est toujours à nos côtés. Et quand nous avons l’impression qu’il est absent, c’est que nous n’arrivons plus à le voir. Aussi, plutôt que de maudire celui qui nous fait du mal, nous devons bénir Hachem de nous donner les moyens (par la prière et l’étude de la Torah) de retrouver aussi rapidement que possible la paix et la sérénité.

Malheureusement, après de nombreuses années d’esclavage, les Hébreux ont oublié qu’Hachem étaient à leur côté. Et aujourd’hui, même si l’esclavage a été officiellement aboli en 1848, il est toujours très facile, dans notre société moderne, d’être « esclave » : de son téléphone portable ; de l’alcool ; de l’argent ; et de bien d’autres choses… Oui, dans notre société moderne, l’homme est esclave de la matérialité.

Au temps des Hébreux, l’esclavage prendra fin quand Moïse entrera sur la scène de l’Histoire. Moïse est né hébreu mais il est également le fils adoptif de la fille du Pharaon. Et un jour…

Moïse, ayant grandi, alla parmi ses frères et fut témoin de leurs souffrances. Il aperçut un Égyptien frappant un Hébreu, un de ses frères. Il se tourna de côté et d’autre et ne voyant paraître personne, il frappa l’Égyptien et l’ensevelit dans le sable. Étant sorti le jour suivant, il remarqua deux Hébreux qui se querellaient et il dit au coupable : "Pourquoi frappes-tu ton prochain ?" L’autre répondit : "Qui t’a fait notre seigneur et notre juge ? Voudrais-tu me tuer, comme tu as tué l’Égyptien ?" Moïse prit peur et se dit : "En vérité, la chose est connue !" 15 Pharaon fut instruit de ce fait et voulut faire mourir Moïse. Celui-ci s’enfuit de devant Pharaon et s’arrêta dans le pays de Madian.
Chemot (Ch. 2, v 11-15)

C’est à la suite de cet événement que Hachem va se révéler à Moïse par l’intermédiaire d’un « Buisson ardent » et lui donner comme mission de libérer le peuple hébreux.

Mais n’allons pas trop vite en besogne et commençons par analyser l’enchaînement des événements décrits dans les versets précédents. Il n’existe aucun témoin de la scène, si ce n’est Moïse et l’agressé ; l’agresseur lui, est mort. Donc si la chose est connue, c’est que l’agressé a ébruité l’incident. Et surtout, Moïse a été dénoncé auprès de Pharaon, peut-être par celui-là même qui lui rétorque : « Qui t’a fait notre seigneur et notre juge ? » Alors il est obligé, sous peine de mort, de s’enfuir du côté de Madian.

Il y a dans cet événement quelque chose de fondamental : ce ne sont pas tant les souffrances dues à l’esclavage qui font réagir Moïse, mais le fait qu’il se rende compte qu’il y a de la dissension , de la médisance au sein même du peuple hébreu. À cet instant de l’Histoire, le peuple hébreu est un peuple au sein duquel règne la division. Et un peuple qui n’est pas uni sera incapable de se délivrer de l’esclavage.

Il est bon de rappeler combien la médisance est très grave. Selon le Talmud, « médire de son prochain équivaut à renier Hachem. » La division, créée par la médisance, a sa source dans le sentiment d’orgueil et d’amour de soi. L’unité devient alors impossible puisque la présence de l’autre gène la mise en valeur de notre personne. La médisance sera alors le moyen le plus simple et le plus efficace de l’anéantir ou de l’exclure. Aussi, la « fonction » de l ‘esclavage fut de briser l’orgueil de chacun pour permettre au peuple d’être uni pour la délivrance.

Aujourd’hui, le peuple juif ne sera délivré (par le Messie) seulement lorsque l’unité régnera en son sein. Et ce qui est vrai pour le peuple juif l’est également pour une famille juive. À chaque chabbat, quand une famille se rassemble autour du kiddouch, elle doit ressentir cette unité en son sein ; et de remercier Hachem de l’aider à parvenir à cette union. Qu’elle continue à œuvrer en ce sens ; peut-être alors qu’un jour, cette petite famille deviendra grande.


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