L’humble grandeur de Moché

mercredi 20 mars 2024
par  Paul Jeanzé
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Avec la paracha Vayikra débute le troisième livre de la Thora en grande partie consacré au rituel des sacrifices. Nous porterons aujourd’hui notre attention sur le premier mot de cette paracha qui, sur deux points a suscité l’étonnement de nos Maîtres : le texte commence avec le mot « il appela » au lieu de la formulation classique « Hachem parla à Moché... ». D’autre part la taille de la dernière lettre du mot וַיִּקְרָא (vayikra) est réduite par rapport aux autres lettres.

Pour expliquer la taille réduite du א, le Baal Hatourim nous donne cette raison : Moché s’estimait peu méritant pour un appel « officiel » de Hachem. Il voulut écrire וַיִּקְרָ sans le א qui signifie « il rencontra » avec une connotation d’événement fortuit et non solennel. Mais Hachem n’accepta pas et lui demanda d’écrire le א. Moché se soumit à la volonté divine tout en réduisant le א.

Ce verset se situe à un moment important de la vie de Moché. Après l’édification du Michkane allait véritablement débuter le rituel des sacrifices. Et c’est Moché lui-même qui est appelé par Hachem pour l’enseigner. Cette nouvelle investiture aurait pu (légitimement) donner à Moché le sentiment qu’il était grandi par Hachem par rapport aux autres hommes. Pour réfuter une telle idée, il n’hésita pas à réduire la lettre א. Et Rabbi Bounam de la ville de Pish’ha d’expliquer cela par une parabole : c’est à comparer à un petit oiseau perché sur un toit très élevé qui malgré la hauteur du toit reste toujours petit. De même en était-il pour Moché : la Thora l’avait élevé, Hachem l’avait appelé mais il restait néanmoins petit à ses propres yeux.

L’homme ou la fonction

On peut rapprocher cette attitude de ce qu’enseigne le Talmud : ce n’est pas la fonction qui grandit l’homme mais c’est l’homme qui valorise la fonction. Bien souvent on confère à un individu une importance disproportionnée par rapport à sa véritable valeur. Tout simplement parce qu’il occupe un poste élevé dans la hiérarchie sociale. Cette position nous donne l’illusion qu’il est grand « intrinsèquement » alors qu’en fait c’est l’échelon où il se situe et non lui qui l’a fait grand. Tel n’était pas le cas pour Moché : il ne voulut à aucun prix tirer un quelconque profit du rôle que Hachem lui avait donné. C’est l’allusion que contient un verset de la paracha Ytro : « Ytro vint… à l’endroit où campait Moché, c’est la montagne de Hachem ». « L’endroit où campait Moché devint la montagne de Hachem » explique le Hatam Sofer. Moché par sapersonne et par sa valeur parvint à faire de l’endroit un lieu saint.

Le savoir-vivre

Cette explication nous permettra de comprendre pourquoi le Texte commence par « Il appela ». Parce qu’explique le Midrach, Moché attendit l’appel de Hachem pour rentrer dans le Michkane. On apprend de là qu’un charogne est préférable à un érudit dépourvu de savoir-vivre. Quelqu’un qui en effet estime qu’il n’a pas besoin d’attendre qu’on l’autorise à pénétrer dans un lieu quelconque fait preuve d’orgueil. C’est une manière de penser que son élévation spirituelle ou intellectuelle le dispense de frapper à la porte. On comprendra aisément en quoi un tel comportement peut déprécier la valeur de la Thora pour beaucoup de personnes.
Le savoir-vivre est donc pour l’érudit une sorte de test. Il permettra de voir s’il ne tire pas profit de la respectabilité dont il jouit auprès des gens pour se permettre des gestes qui porteraient atteinte à l’honneur de la Thora qu’il est censé représenter.
On voit donc, à travers ces deux commentaires la singularité des mots « Il appela » le trait dominant de la personnalité de Moché : l’humilité.


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