Deuxième chapitre : fin tragique

mardi 1er avril 2014
par  Paul Jeanzé
popularité : 16%

Neuf mois. Il m’aura fallu neuf mois pour enfanter cette suite logique. Neuf mois plus tard, le choc est rude et le réveil douloureux. Souvent j’ai souhaité faire disparaître cette deuxième partie. Aujourd’hui encore, je pourrais très bien prendre ces quelques feuillets, les déchirer puis brûler le tout jusqu’à ce qu’il n’en subsiste qu’un petit tas de cendres que je pourrais alors exposer dans une urne sur la cheminée, avec cette petite inscription : une suite logique qui se termina en fin tragique. Je ne sais pas pourquoi j’ai décidé de m’embarquer dans cette deuxième partie. À chaque nouvelle lecture, j’avais beau rayer des mots, raturer des phrases et enlever des pans entiers de paragraphes, je ne savais que trop bien que c’était perdu d’avance. Pourtant j’ai insisté. Alors que je pensais pouvoir continuer à attendre patiemment que les mots suivissent le contour de mes pensées, c’étaient les mots qui avaient guidé mes pensées. Alors, pourquoi en avoir gardé ces quelques vestiges ? Pour quelle destinée ? Et que devrait être la destinée de Monsieur Z ?

D’une suite logique en fin tragique, Monsieur Z avait vu son texte lui échapper comme s’échappe un… une… Monsieur Z n’en pouvait plus de chercher des comparaisons qui ne seraient pas des lieux communs. Il n’en pouvait plus d’écrire. Il ne savait pas écrire. Il n’avait jamais su écrire. Il ne saurait jamais écrire. Tout avait déjà été écrit. Rien, il ne lui restait rien qu’il pourrait créer pour la première fois et ainsi devenir un écrivain unique, inventeur de ce que l’on appellerait plus tard le Zézéisme. Rien non, rien de tout cela. Il n’en pouvait plus de se prendre pour un écrivain. Monsieur Z avait juste la petite vie minable d’un être humain minable et il en était le premier satisfait ! Tous les matins, il prenait un petit train gris tout pourri qui n’avançait pas, il avait un boulot sans âme, des collègues sans états d’âme, et ses yeux sur cet écran rivé, du matin jusqu’au soir, du matin jusqu’au désespoir, restaurant administratif et pause cigarette sous la neige sous la pluie sous le vent, et rendez‑vous le soir pour le même trajet en sens inverse, rails droits, voyageurs étroits, mais avant, oui avant encore cet écran, à taper dessus, à frapper dessus, pas l’écran mais ce clavier d’esclave enclavé dans une cave sans fenêtre et sans lumière, yeux fatigués, déprimés, dépression, dépression, dépression, dépression, mots répétés, refaire surface pour se soigner, ne pas céder, se faire aider, se faire aider psychiatre , car vous êtes là Madame Fusin‑Dumerg, oui vous êtes là depuis le premier jour, ou le deuxième, je ne sais pas, je ne sais plus, vous me lisez je ne suis pas seul je ne veux pas être seul aidez‑moi s’il vous plaît aimez-moi par pitié aidez-moi sauvez-moi aidez-moi sauvez‑moi je suis seul et ridicule aidez-moi je veux en finir avec ce livre ce texte ce truc ce machin comment peut-on appeler une horreur pareille surtout que d’autres idées s’accumulent une véritable histoire de moi une ascension dans ma tête dans le guidon une bête à concours de bonnes nouvelles je vous donnerai et mon histoire oui enfin mon histoire tout ça se bouscule dans mes pensées et déborde de ne pas pouvoir en sortir prisonnier je suis prisonnier de mon clavier et je tape je frappe je le regarde là tout de suite j’arrête d’écrire un moment je lève la tête regarde à peine dehors il fait gris si gris et ce vent ce vent terrible qui ne s’arrête plus de souffler oppressé oppression j’ai peur que le vent m’emporte une fenêtre s’est brisée je me cramponne au clavier le vent siffle dans mon bureau mes collègues me regardent en riant en riant à gorge déployée l’oiseau va s’envoler petit canari rabougri sans son nid pas d’ailes rien à déployer ira s’écraser là où le vent l’emportera dans une flaque un étang une mare aux canards oies sauvages et poissons qui du pain arrêteront de manger de mon corps se repaître sous l’œil livide de statues mortes et de zombies en vadrouille ça y est plus moi-même suis en train d’écrire comme une Laide du seigneur arrêtez-moi par pitiez arrêtez-moi arrêtez-vous je vous en supplie ! Tournez cette page !


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