De la joie d’être juif

Par Zevoulon
samedi 23 décembre 2023
par  Paul Jeanzé
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Judah s’approche de Joseph pour demander la libération de Benjamin, s’offrant comme esclave à la place de son jeune frère. Devant cette expression de loyauté l’un envers l’autre, Joseph ne peut davantage se contenir et leur révèle son identité. « Je suis Joseph, dit-il d’une voix chargée de pleurs, mon père vit-il encore ? »
Ses frères sont accablés de honte et de remords, mais il les réconforte en leur disant : « Ce n’est pas vous qui m’avez fait venir ici, c’est Hachem, afin de nous sauver, nous et tout le pays, de la famine. » Il se jette ensuite au cou de Benjamin et pleure.
Les frères, chargés de présents, s’empressent de retourner en Canaan pour y apporter la bonne nouvelle. Jacob descend alors en Égypte avec ses fils et leurs familles, soixante-dix âmes en tout, afin d’y retrouver Joseph après 22 ans de séparation. Sur son chemin, il reçoit la promesse de Hachem : « N’hésite pas à descendre en Égypte, car Je t’y ferai devenir une grande nation. Moi-même, Je descendrai avec toi en Égypte ; Moi-même Je t’en ferai remonter. »
Joseph rassemble les richesses de l’Égypte au profit de Pharaon en vendant nourritures et semences pendant la famine. Pharaon donna à Jacob et à sa famille la région fertile de Goshen, où les enfants d’Israël connurent une prospérité prodigieuse.

Quand les frères apprirent à Jacob que Joseph était vivant, alors « L’esprit de Ya’acov revint à la vie » (Ch.45, 27). Rachi commente ainsi le verset : La chekhina [1], qui s’était retirée de lui (à cause de son état d’abattement), est revenue l’habiter.

Précisons tout d’abord qu’il est normal d’être triste à certaines occasions, notamment à la mort d’un être cher. Néanmoins, cette tristesse se doit d’être passagère. D’ailleurs, les lois du Chabbat nous indiquent qu’il est interdit de lire ou même de parler de choses qui rendent triste pendant ce jour. C’est également pour cette raison que la loi juive indique que si l’on doit enterrer un mort dès le lendemain, l’enterrement est repoussé si cela devait tomber le jour de Chabbat.

Conséquence de ses interdits, c’est une mitsvah que de vivre le Chabbat dans la joie (dans « la joie de la Torah ». D’ailleurs, cette expression se dit en hébreu : Sim’ha Torah, comme la fête du même nom. Si la fête de Sim’ha Torah vient conclure les fêtes du début de l’année juive, ce n’est pas par hasard. Après la gravité et la solennité de Kippour, et juste avant que l’on reprenne la lecture de la Torah, il est fondamental de rappeler que la joie est une condition nécessaire à l’étude de la Torah. En effet, la tristesse et le désespoir sont des sentiments qui empêchent l’être humain de se projeter vers l’avenir. Ainsi, moi qui m’intéresse (encore un peu) aux livres qui sortent en librairie, on peut pas pas dire que la littérature contemporaine soit bien joyeuse :

J’ai voulu y croire, j’ai voulu rêver que le royaume de la littérature m’accueillerait comme n’importe lequel des orphelins qui y trouvent refuge, mais même à travers l’art, on ne peut pas sortir vainqueur de l’abjection [2]. La littérature ne m’a pas sauvée. Je ne suis pas sauvée.

Il s’agit là du petit résumé censé vous donner envie d’acheter le livre ! Le contenu du livre, dont le titre contient le mot « triste », semble même aller au-delà de la tristesse, à en croire certains commentaires de lecteurs :

Ouf. J’aurai finalement réussi à lire cet ouvrage jusqu’au bout. Difficilement. Avec dégoût.

Et pourtant, la personne qui écrit ce commentaire, dit aimer le livre ! Comment peut-on à la fois aimer quelque chose et en être dégoûté ? N’est-ce pas totalement incompréhensible ? Et le plus sidérant dans cette histoire, c’est que ce livre a obtenu le Prix Goncourt des lycéens 2023. Comment peut-on espérer donner une vision positive de la vie aux jeunes générations ? N’est-on pas en train de dégoûter les jeunes de la vie ; avec de tels procédés, ne nous dirigeons-nous pas vers une génération de dépressifs ?

Qu’il semble loin le temps où l’écrivain Anatole France écrivait : « L’artiste doit aimer la vie et nous montrer qu’elle est belle. Sans lui, nous en douterions. » Et si Anatole France n’était pas juif, sa maxime reprend néanmoins un des versets de la Torah : « Tu aimeras la vie », et les artistes (écrivains, musiciens, peintres, etc.) se doivent de mettre leur talent au service de celle-ci. Car il ne faut pas oublier que ces talents leur ont été donnés par Hachem.

L’homme doit s’efforcer de faire prévaloir au cours de son existence les choix porteurs d’avenir et d’espoir, même et peut-être surtout dans les moments difficiles. Or cette attitude est loin d’être naturelle : elle demande un réel effort. Le philosophe Alain écrivait ainsi « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté. »

Ce qui est vrai au niveau individuel, l’est tout autant au niveau collectif, et notamment dans une famille. Nous devons être porteurs (les parents) d’une vision positive de la vie et être confiants dans l’avenir, afin de pouvoir la diffuser autour de nous (à nos enfants).

Ce combat, car c’est un combat, l’homme peut le gagner en gardant en tête qu’il n’est jamais seul, mais qu’il est accompagné par Hachem, qui recherche le bien de chaque homme, et aime chacun d’entre nous comme « son fils unique ». Cette pensée est de nature à donner à l’homme une confiance et une force suffisamment solides pour regarder toujours vers l’avant et lui permettre de se rapprocher chaque jour davantage de Hachem.

Quand on pleure, on pleure tout seul. Quand on rit, le monde entier rit avec nous.
(Proverbe Yddish)


[1La Présence Divine

[2État d’extrême abaissement moral qui attire le mépris et inspire le dégoût.


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