F comme...

lundi 14 décembre 2020
par  Paul Jeanzé
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Léon-Paul Fargue (1876 – 1947)

Accoudé

(…)

J’ai vu mentir les bouches que j’aimais ; j’ai vu se fermer, pareils
à des ponts-levis, les cœurs où logeait ma confiance ; j’ai surpris
des mains dans mes poches, des regards dans ma vie intérieure ; j’ai
perçu des chuchotements sur des lèvres qui ne m’avaient habitué
qu’aux cris de l’affection. On a formé les faisceaux derrière mon dos,
on m’a déclaré la guerre, on m’a volé jusqu’à des sourires, des poignées
de main, des promesses. Rien, on ne nous a rien laissé, mon âme.
Nous n’avons plus que la rue sous les yeux et le cimetière sous les pieds.
Nous savons qu’on plaisante notre hymen désespéré. Nous entendons
qu’on arrive avec des faux de sang et de fiel pour nous couper sous les
pieds la dernière herbe afin de nous mieux montrer le sentier de la
fosse.
Mais nous serons forts, mon âme. Je serai le boulon et toi l’écrou,
et nous pourrons, mille et mille ans encore, nous approcher des vagues ;
nous pourrons nous accouder à cette fenêtre de détresse. Et puis, dans
le murmure de notre attente, un soir pathétique, quelque créature viendra.

Nous la reconnaîtrons à sa pureté clandestine, nous la devinerons à sa
fraîcheur de paroles. Elle viendra fermer nos yeux, croiser nos bras sur
notre poitrine. Elle dira que notre amour, tout cet amour qu’on n’a pas vu,
tout cet amour qu’on a piétiné, qu’on a meurtri, oui, que notre amour n’est
plus que notre éternité.
Alors, mon âme, tandis que je serai allongé et déjà bruissant, tu iras
t’accouder à la fenêtre, tu mettras tes beaux habits de sentinelle, et tu
crieras, tu crieras de toutes tes forces !

On entendra
Qui ? demandes-tu ?
Mais toutes les âmes le savent.


Paul Fort (1872 – 1960)

Le bonheur est dans le pré

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.

Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer.

Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite, cours-y vite.
Dans l’ache et le serpolet, cours-y vite. Il va filer.

Sur les cornes du bélier, cours-y vite, cours-y vite.
Sur les cornes du bélier, cours-y vite. Il va filer.

Sur le flot du sourcelet, cours-y vite, cours-y vite
.Sur le flot du sourcelet, cours-y vite. Il va filer.

De pommier en cerisier, cours-y vite, cours-y vite.
De pommier en cerisier, cours-y vite. Il va filer.

Saute par-dessus la haie, cours-y vite, cours-y vite.
Saute par-dessus la haie, cours-y vite. Il a filé !


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Des "mauvaises nouvelles" qui donnent de la voix

Mardi 07 mai 2024

En ce début de semaine, Monsieur Éric Lebret mettait sa voix au service d’une de mes nouvelles, intitulée Un bon coup de balai. Ce "comédien-voix" avait déjà mis son talent au service de deux autres "mauvaises nouvelles" :

Au bout du chemin
Très chère amie

Cher Monsieur Lebret, si vous deviez passer par ici, sachez combien votre initiative m’a touché et m’encourage à reprendre le chemin de l’écriture, chemin le long duquel il m’aura été nécessaire de quelque peu "marquer le pas" ces trois dernières années, même si mes chères poézies auront continué à m’accompagner pendant cette période.

À bientôt
Paul Jeanzé