XXVI. Hercule

mardi 30 juillet 2024
par  Paul Jeanzé

L’homme n’a de ressource que dans sa propre volonté ; idée aussi ancienne que les religions, les prodiges et les malheurs ; en revanche idée qui, par sa nature, est vaincue en même temps que la volonté elle-même ; car la force d’âme se prouve par les effets. Hercule se donnait à lui-même ce genre de preuve jusqu’au jour où il se crut esclave ; il préféra alors une mort éclatante à une misérable vie. Ce mythe est le plus beau ; je voudrais que l’on fît réciter aux enfants les œuvres d’Hercule, afin qu’ils apprissent à surmonter les forces extérieures ; car cela même c’est vivre, et l’autre parti, le lâche parti, n’est que le parti de mourir longtemps.

J’aime un garçon qui réfléchit en surmontant, et qui, au tournant mal pris, dit d’abord : « C’est ma faute », et cherche sa propre faute et se bourre cordialement les côtes. Mais que faire de l’automate à forme humaine qui cherche toujours excuse dans les choses et les gens autour ? Il n’y a point de joie par là ; car il est trop clair que les choses et gens autour n’ont point égard au malheureux ; aussi ses pensées suivent le vent, comme les feuilles en cette dure saison. J’admire ceci, que ceux qui cherchent excuse hors d’eux ne sont jamais contents, au lieu que ceux qui vont droit à leur propre faute et disent : « Je fus bien sot » se trouvent forts et joyeux de cette expérience qu’ils ont digérée.

Il y a deux expériences, l’une qui alourdit et l’autre qui allège. Comme il y a le chasseur gai et le chasseur triste. Le chasseur triste manque le lièvre et dit : « Voilà bien ma chance », et bientôt : « Ces choses-là n’arrivent qu’à moi. » Le chasseur gai admire la ruse du lièvre ; car il sait bien qu’il n’est pas dans la vocation du lièvre de courir à la casserole. Les proverbes sont pleins de cette virile sagesse et il y a bien de la profondeur dans ce que ma grand’mère disait des alouettes, qui ne tombent point toutes rôties. Comme on fait son lit on se couche. « Comme je voudrais aimer la musique », dit le sot ; mais il faut faire la musique ; elle n’est point.

Tout est contre nous ; mais disons mieux, tout est indifférent et sans égards ; la face de la terre est broussaille et pestilence sans l’œuvre d’homme ; non point ennemie, mais non point favorable. Il n’y a que l’œuvre d’homme qui soit pour l’homme. Mais c’est l’espoir qui fait la crainte ; c’est pourquoi c’est un très mauvais commencement si l’on réussit par hasard ; et qui bénit les dieux bientôt les maudira. Comme ces mariés qui aiment le maire de l’arrondissement et le suisse de l’église ; ils n’ont pas vu de quel air le bedeau éteint les cierges. J’ai remarqué un jour le sourire d’une marchande de parfu­merie ; elle le ferma tout net comme elle fermait sa porte ; et c’est un beau spectacle aussi que de voir un marchand qui met ses volets. Dès que la chose étrangère, aussi bien un homme, nous découvre sa loi propre, selon laquelle il gravite, nous voilà à notre travail d’homme ; mais dès qu’un être nous promet bienveillance, nous voilà privés de connaissance, et sans autre ressource que d’espérer. Les êtres sont bien plus beaux et plus amis derrière leurs volets et en leur riche existence qu’en ces présages et reflets. J’ai remarqué que les hommes énergiques aiment les différences et variétés. La paix est entre les forces.

7 novembre 1922


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Des Poézies qui repartent dans le bon sens

Dimanche 16 juin 2024

Nous voici arrivés au mois de juin et je m’apprête à prendre mes quartiers d’été dans un lieu calme où j’espère ne pas retrouver une forme olympique. Sans doute ne serai-je pas le seul à me retrouver à contresens ; si vous deviez vous sentir dans un état d’esprit similaire, je vous invite à lire les poézies de ce début d’année 2024.

Bien à vous,
Paul Jeanzé